Terre D'Exil


Le chasseur
Je me souviens du jour où j’ai quitté ma ville natale. Devant moi s’étendait Ombre-Terre, une vie d’aventures et de frissons, gorgée de promesses à m’en faire palpiter le cœur. Je quittai Menzoberranzan en croyant pouvoir mener ma vie en accord avec mes principes. J’avais Guenhwyvar à mon coté, mes cimeterres à la ceinture. L’avenir m’appartenait.

Mais comment mesurer des siècles quand une heure semble un jour et un jour une année ?
Au-delà des cités d’Ombre-terre, il y a de la nourriture pour ceux qui savent chercher, et de la sécurité pour ceux qui savent se cacher. Et plus que tout autres chose, au-delà des cités d’Ombre-terre, il y a de la solitude.Quand je fus pour de bon une créature de ces tunnels déserts, ma survie devient à la fois plus difficile et plus aisée. Ma résistance physique s’améliora; mon expérience des dangers s’affermit assez pour assurer ma survie. Je pouvais vaincre à peut près toute créature empiétant sur mon territoire; des autres, je n’avais pas de mal à passer inapercu. Pourtant il ne me fallut pas longtemps pour découvrir qu’une némésis me suivrait où que j’aille. Et plus je fuyais, plus elle resserrait son étau invisible. Mon ennemie avait pour nom solitude : un silence interminable, que rien, dans ces corridors ouatés, ne venait jamais rompre.
Après toutes ces années, je suis stupéfait des changements que j’ai subis en menant une telle existence. Chaque être doué de raison forge son identité en communiquant avec ceux qui l’entourent. Sans ce lien, j’étais perdu. Quand je quittai Menzoberranzan, j’avais décidé que ma vie se fonderait sur des principes moraux inflexibles. Au bout de quelques mois, le seul but de ma survie, c’était ma vie. J’étais devenu une créature d’instinct et de ruse, sans la moindre réflexion; j’utilisais mes capacités mentales pour orchestrer la mise à mort suivante.
Guenhwyvar m’a sauvé. Ce compagnon qui m’a tiré des griffes d’un grand nombre de monstres m’a arraché au néant- un ennemi moins spectaculaire peut-être, mais pas moins fatal. Je me surprenais à ne plus vivre que pour les instants où le félin déambulait à mon coté, où un autres être vivant dressait les oreilles aux paroles que je me forcais (non sans peine) à prononcer. Guenhwyvar devient aussi mon horloge, car je savais qu’il venait du plan astral environ tous les deux jours pour une demi-journée.
Très vite, je me rendis compte que ce quart de mon temps m’était essentiel. Sans Guenhwyvar, je n’aurais pas trouvé la force de continuer à vivre ainsi.Même avec ce compagnon auprès de moi, je développais des sentiments de plus en plus ambivalents sur le combat. Dans le secret de mes pensées, j’espérais qu’un monstre aurait le dessus un jour. Les lacérations des crocs et des griffes seraient-elles plus douloureuses que le silence et le néant?Je ne le pensais pas.
Drizzt Do'Urden.



Belwar :
Amitié : un terme qui signifie beaucoup de choses différentes pour les diverses races et cultures d’Ombre-Terre et de la surface des Royaumes. A Menzoberranzan, l’amitié est en général fondée sur une exploitation mutuelle. Tant que l’union est à l’avantage des deux parties, elle reste solide. Mais la loyauté n’est pas le fort de la vie drow; sitot qu’un des deux amis pense avoir avantage à se débarrasser de l’autre, l’union –c’est-à-dire, souvent la vie de ce dernier – connaît une fin rapide.
J’ai eu peu d’amis dans ma vie. Si je vivais encore un millénaire, je soupconne que ce serait encore vrai. Il n’y a pas de quoi se lamenter, car ceux qui m’ont appelé leur ami sont des hommes de haute stature, qui ont enrichi mon existance et lui ont donné un sens. Il y eut d’abord Zaknafein, mon père et mon mentor, qui me prouva que je n’étais pas seul, et que je n’avais pas tort de m’en tenir à mes principes.
J’étais pourtant en pleine déroute quand un gnome des profondeurs, manchot, entra dans ma vie., un Svirfneblin que j’avais sauvé d’une mort certaine bien des années plus tôt. Mon geste fut amplement récompensé quand nous nous retrouvâmes, car sans lui, j’aurais été exécuté.
Le temps que je passa à Blingdenstone fut bref, comparé à la longueur de mon existance. Mais je garde un souvenir précis de la cité de Belwar Dissengulp et de son peuple; je m’en souviendrai toujours.
Je rencontrai en eux, pour la première fois, une société qui reposait sur la solidarité, et non sur l’égoisme. Ensemble, les gnomes résistent aux périls d’Ombre-Terre, peinent pour extraire le minerai, et jouent à des jeux difficilement séparable des autres aspects de leur vie.

Plus forts en effet sont les plaisirs quand on les partage.
Drizzt Do'Urden.



Amis et ennemis :
Vivre ou survivre? Jusqu’à mon dernier séjour dans les étendues sauvages d’Ombre-terre, apres Blingdenstone, jamais je n’avais compris le sens d’une question aussi simple.
Quand j’ai quitté Menzoberranzan, je croyais qu’il suffirait de vivre selon mes principes et que je serais heureux de suivre le seul chemin possible. L’alternative était la sinistre réalité de Menzoberranzan, la soumission aux forces malveillantes qui dominent mon peuple. Si c’était là la vie, pensais-je, il valait mieux survivre et de loin.
Et pourtant, cette « simple survie + m’avait presque tué. Pire, elle m’avait quasiment volé tout ce qui m’était cher.
Les Svirfneblins de Blingdenstone me firent découvrir autre chose. Leur société structurée et unis, nourrie de solidarité, était ce que j’aurais voulu que fût Menzo. Eux faisaient bien plus que survivre : ils vivaient, riaient, travaillaient, et partageaient leurs gains, autant que la douleur et les pertes inévitables dans un monde hostile.La joie est décuplée quand elle est partagée entre amis; la peine est diminuée d’autant.
Voilà la vie.
Quand je quittai Blingdenstone, de retour dans les sombres tunnels d’Ombre-terre, l’espoir marchait à mes cotés. Belwar, mon nouveau compagnon, était avec moi, et j’avais en poche la statuette de guenhwyvar, mon ami de toujours. Durant mon séjour chez les gnomes des profondeurs, j’avais vécu la vie dont j’avais toujours rêvé. De survivre pour survivre, il n’était plus question.
Avec mes amis près de moi, j’osai espérer que ce serait pour toujours.
Drizzt Do'Urden.



Impuissant

Bien des fois au cours de mon existence, je me suis senti impuissant. C'est peut-être la douleur la plus aiguë qu'on puisse ressentir, nourrie de frustration et de rage. La pointe de l'+pée qui frappe le combattant n'a rien de comparable au sifflement d'un fouet sur l'échine d'un prisonnier. Le fouet n'atteint pas forcement la chair, mais sa cruelle morsure blesse toujours l'âme en profondeur.
Nous sommes tous prisionniers à un moment quelconque de notre existence, prisonniers de nous-même ou des attentes d'autrui. C'est un fardeau que nous portons tous, que nous méprisons et dont bien peu apprennent à se débarrasser. De ce point de vue-là, je m'estime heureux, car ma vie s'est améliorée. Après une adolescence passée sous les yeux vigilents des grandes prêtresses de la Déesse Araignée, elle ne pouvait que s'améliorer... Dans ma jeunesse, je m'imaginais assez fort pour vaincre seul mes adversaires et imposer mes principes. L'arrogance m'a fit croire que la détermination gagnerait malgré l'impuissance. Jeunesse entêtée et stupide je dois l'admettre, car en repensant à ces années, je vois que j'ai rarement été seul. Il y a toujours eu des amis, sincères et chers, pour m'apporter leur soutien même quand je croyais ne pas en vouloir, et même quand je ne le voyais pas.
Zaknafein, Belwar, Jacasseur, Mooshie, Bruenor, Regis, Cattibrie, Wulfgar, et bien sûr Guenhwyvar, mon cher Guenhwyvar. Voilà les compagnons qui ont justifié mes principes, et m'ont donné la force de cntinuer malgré l'adversité, réelle ou imaginaire. Voilà les compagnons qui ont combattu l'impuissance, la rage et la frustration.
Voilà les amis qui m'ont donné la vie.
Drizzt Do'Urden.


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Esprit
L'esprit. On ne peut le briser, ni le voler. Un esclave en proie au désespoir pourrait le croire qu'on le peu, et, certainement, le "maitre" de cet esclave aimerait le croire. Mais en vérité, l'esprit perdure, étouffé, jamais totalement nié.
C'est sur ce concept erroné que repose le Zin-cala et les dangers inhérents à de telles animations douées d'esprit. Ainsi que je l'ai appris, les prêtresse prétendent qu'il s'agit du don le plus précieux de la déité arachnéenne qui gouverne les Drows.Je ne le pense pas. Mieux vaut appeler le Zin-carla le plus gros mensonge de Lloth.
Les pouvoirs physiques du corps ne peuvent être séparés du raisonnement de l'esprit et des émotions du coeur. C'est une seule et même chose, la somme qui fait un être unique. C'est de l'harmonie de ces trois instances -corps, pensée et coeur- que nait l'âme.
Combien de tyrans ont essayé de les séparer ? Combien de dirigeants ont cherché a réduire leurs sujets à de simple instruments de profit et de gain? Ils volent l'étincelle de l 'amour et de la religion à leur peuple; ils cherchent à s'approprier l'esprit.
Mais ils échouent inexorablement
Ceci, je dois le croire. Si la flamme qui anime l'esprit est soufflée,il ne reste que la mort, et un tyran ne trouve aucun profit à diriger un royaume peuplé de cadavres.
Mais c'est une chose douée d'éternité que cette indomptable flamme de l'esprit, qui lutte toujours. Chez certains, elle survivra jusqu'à la chute du tyran. Où donc était le vrai Zaknafein quand sa marionnette se mit en marche pour me détruire?
Où étais-je, au cours de ces années passées dans les étendues sauvages, quand le chasseur aveuglait mon coeur et guidait mes armes contre ma volonté ?
Nous étions là tout le temps, je l'ai compris, étouffés, mais jamais perdus. Esprit. Dans chaque langage des Royaumes, que ce soit à la surface ou en Ombre-terre, toujours et partout, le mot est synonyme de force et de détermination. C'est le courage du héros, la tendresse de la mère, l'armure du pauvre homme. Cela ne peut être rompu, ne peux être extirpé.
Cela, je dois le croire.
Drizzt Do'Urden.

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© Forgé par le Clan Battlehammer hammer Le quinzième jour d'août de l'an 1997.

dernière mise à jour le 22-05-2006 à 05:44:57