Guenhwyvar Page 2/10


L'elfe sentit un arc électrique lui traverser le corps alors qu'il franchissait le portail magiquement gardé, puis se trouva soudainement propulsé dans les airs, atterrissant violemment aux pieds d'une gigantesque table en chêne. Anders Beltgarden se trouvait justement en plein travail tout près de la table, il daigna à peine jeter un coup d'oeil en direction du chantelameur qui gisait par terre éberlué.

- "Tu aurais pu frapper," lui dit sèchement le vieux mage.

Josidiah se releva du sol sans cérémonie, les muscles légèrement endoloris, mais convaincu qu'il n'y avait aucun danger à proximité. Comme à l'habitude, le regard de Josidiah s'attarda sur l'humain. Le chantelameur n'avait pas vu beaucoup d'humains au cours de sa vie, les humains n'ayant fait que très récemment leur apparition au nord de la "Mer des +toiles Déchues", et on en rencontrait très peu dans Cormanthor ou dans ses environs.

Celui-là était l'humain le plus étrange qu'il ait jamais rencontré. Anders avait la figure toute plissée avec un teint cuivré et une barbe grise, l'un de ses yeux avait été crevé au cours d'une bagarre, et maintenant une pellicule grise avait pris la place du vert brillant de son oeil. Josidiah aurait pu fixer le visage du vieux Anders durant des heures, comme si en le faisant, il avait pu lire l'histoire de toute une vie à travers les rides et les cicatrices de son visage. Pour la plupart des elfes, incluant sa propre famille, le vieil homme n'aurait été rien d'autre qu'un objet de laideur, les elfes ne ressentant pas les effets de l'âge de la même faèon que les humains. Une fois la maturité atteint, les elfes conservaient pendant plusieurs siècles une apparence de jeunesse, une vingtaine ou une cinquantaine d'hiver ne laissant pratiquement aucune trace.

Josidiah ne considérait pas Anders comme un objet de laideur, loin de là. Même les quelques chicots de dents qui lui restaient dans la bouche étaient un complément de l'être qu'il était devenu, cet être âgé et sage était ce monument à la vieillesse, sculpté par des années passées autant sous le soleil que dans les tempêtes à combattre les goblins et les géants. Pour Josidiah c'était vraiment ridicule qu'il puisse avoir deux fois l'âge de cet homme, comme l'elfe aurait aimé que quelques rides viennent témoigner pour lui de l'expérience qu'il avait acquis.

- "Tu aurais pourtant dû savoir que la porte était protégée," dit Anders en riant. "Bien sûr, tu n'as pas pu t'empêcher de te donner en spectacle, donnant l'occasion à un vieillard de rire un bon coup avant de mourir!"

- "N'ai crainte, le vieux, tu as encore le temps de me voir mourir," répliqua le chantelameur.

- "Effectivement, c'est une sérieuse possibilité si tu continues à entrer dans mon laboratoire sans t'annoncer."

- "J'ai eu peur pour toi," expliqua Josidiah, explorant du regard l'immense salle, trop grande par rapport aux dimensions de la tour, et cela même si la salle avait occupé la totalité d'un étage. Le chantelameur se doutait que le vieux mage utilisait une magie à caractère extradimentionnelle, mais jamais il n'était parvenu à la détecter, et ce n'était certes pas le frustrant Anders qui allait le lui confirmer. Aussi grand soit-il, le laboratoire d'alchimie d'Anders n'en demeurait pas moins très encombré, avec ses hautes piles de boites, ses tables et ses cabinets remplis à pleine capacité.

- "J'avais entendu un rugissement," ajouta l'elfe. "Celui d'un félin en chasse."

Sans détourner son regard ses fioles qu'il manipulait, Anders fit un signe de la tête en direction d'une grande cage recouverte d'une toile. "Ne t'approche pas trop près," dit le vieux mage avec un rire exubérant et saccadé. "Le vieille Moustache t'attraperait par le bras et t'entraînerait dans sa cage, n'en doute pas un instant!".

- "Et là, èà te prendrait plus que tes brillantes épées," poursuivit Anders toujours en riant.

Josidiah n'écoutait pas, à pas feutrés pour ne pas déranger le félin, il s'approcha tranquillement de la cage. Attrapant un coin de la toile, il recula prudemment en soulevant la toile. Le chantelameur figea, la bouche grande ouverte!

Il s'agissait bien d'un félin, comme le soupèonnait l'elfe, une grosse panthère noire, deux fois, non, trois fois plus grosse que le plus grand félin que Josidiah ait jamais vu. De plus, il s'agissait d'une femelle et les femelles sont habituellement plus petites que les mâles. Elle se promenait lentement et méthodiquement dans sa cage, comme si elle était à la recherche d'une faiblesse de la cage, d'une faèon de s'enfuir, malgré sa formidable musculature la bête se déplaèait avec une grâce inégalable.

- "Comment t'es-tu procurer une bête aussi magnifique?" demanda le chantelameur. Sa voix avait apparemment attirer l'attention de la panthère, elle s'était subitement arrêtée. La bête dévisageait Josidiah avec une telle intensité qu'elle enlevait toute parole de la bouche du chantelameur.

- "Oh, j'ai mes méthodes de recherche, elfe," dit le vieux magicien. "Il y a longtemps que je cherchais le félin adéquat, à travers les mondes connus et même certains endroits qui ne sont présentement connus que de moi!"

- "Mais pourquoi?" demanda Josidiah, sa voix n'étant devenue guère plus qu'un murmure. Sa question s'adressant autant au vieux mage qu'à la magnifique panthère, la pensée du chatelameur ne parvenant absolument pas à trouver une raison justifiant que l'on place cette créature dans une cage.

- "Tu te rappelles l'histoire que je t'avais raconté à propos de l'embuscade du canyon," répondit Anders, "de quel faèon mon menthor et moi avons échappé des griffes d'un millier de goblins en volant montés sur le dos d'un hibou géant?"

Josidiah acquiesèa de la tête et sourit, se remémorant l'amusante histoire. Un moment plus tard, toute l'implication des paroles d'Anders le frappa de plein fouet, l'elfe se tourna alors vers le mage le visage renfrogné. "La figurine," murmura Josidiah, le hibou provenait d'une statuette dont l'enchantement permettait à son possesseur de faire apparaître le grand oiseau en cas de besoin. Il y avait de nombreux artefacts de ce genre à travers le monde, il y en avait même plusieurs à Cormanthor, et Josidiah était en désaccord avec la méthode employée pour les fabriquer, même si les capacités magiques du chantelameur se trouvait bien en dessous de celles requises pour l'enchantement. L'elfe regarda à nouveau la panthère, la tristesse se lisait dans le regard de la bête, puis il se tourna brusquement vers Anders.

- "Le félin doit être tué durant la fabrication," protesta le chantelameur. Son énergie vitale sera drainée dans la statuetteque tu vas créer."

- "Je travaille présentement sur cette partie," dit Anders à la légère. "J'ai retenu les services d'un excellent artisant nain pour sculpter la statuette de la panthère, le meilleur homme... le meilleur nain de la région. N'ai crainte, la statuette rendra justice au félin."

- "Rendre justice?" répéta sceptiquement le chantelameur, rencontrant à nouveau le regard intense et intelligent émanant des yeux d'un vert-jaune de la gigantesque panthère. "Ne vas-tu pas tuer le félin?"

- "Je lui offre l'immortalité," protesta Anders avec indignation.

- "Tu offres la mort à sa volonté et l'esclavage à son corps," protesta Josidiah d'un ton cassant, plus fâché qu'il ne l'avait jamais été contre le vieux Anders. Le chantelameur avait déjà eu l'occasion de voir quelques figurines et jusque là il les avait considées comme de merveilleux artefacts magiques, malgré le fait que l'on devait sacrifier l'animal. Après tout, Josidiah avait lui-même déjà tué des cerfs et des sangliers pour mettre sur sa table, alors pourquoi cela serait-il pire si un magicien se servait d'un animal pour en faire un objet utile?

Mais dans son coeur, Josidiah sentait que cette fois c'était différent. Cet animal, ce magnifique félin ne devait pas être réduit à l'esclavage.

- "Tu vas forcer la panthère..." commenèa Josidiah.

- "Moustache," précisa Anders.

- "La panthère..." répéta vivement Josidiah, incapable d'accepter qu'un nom aussi farfelu puisse être attribué à cet animal. "Tu va faire de cette panthère un simple outil, un objet animé au service de la volonté de son maître."

- "A quoi t'attendais-tu donc?" répliqua le vieux mage. "Que pourrait-on vouloir en faire d'autre?"

suite Un gros Merci a Serge.
Le 12 juillet l999

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dernière mise à jour le 22-05-2006 à 05:44:08