Le calme était enfin revenu dans l’Auberge : Jana était repartie dans sa cuisine, Brance alignait soigneusement les choppes sur son comptoir et Tyrian finissait de nettoyer le sol, tandis que Jerrik, Galdim et Lillie s’étaient enfermés dans le laboratoire du gnome, placé pour plus de sécurité dans la cave du bâtiment, très loin sous la surface, pour une démonstration en direct de sa dernière invention.
- Tu es sûr que c’est sans danger ? demanda le nain en examinant d’un œil critique la chose mécanique qui ronronnait dans un coin.
- Parfaitement ! J’ai effectué les derniers réglages avec la plus grande précision, nous ne risquons absolument rien !
- Tu disais exactement la même chose à propos de ton avant-dernière invention ; dois-je te rappeler ce qui s’est passé ?
Le gnome hocha les épaules avec un petit sourire, avant de se lancer dans une succession de manœuvres qui donnèrent vite le tournis à Lillie.
- C’est bientôt près ? gémit-elle.
- Presque ! Je n’ai plus qu’à connecter ça avec ceci, et brancher le tout...attention, ça démarre !
La machine se mit à ronronner de plus en plus fort, jusqu’au point de produire un son particulièrement inquiétant – d’autant plus inquiétant qu’il fut très vite accompagné d’un volute de fumée noire et d’une forte odeur de brûlé.
- Jerrik, c’est normal ça ? s’enquit Galdim d’une voix blanche.
- Et bien, disons que j’ai trop tardé à connecter l’unité centrale au reste de la machine, et qu’elle a été exposé deux seconde de trop à l’artefact magique qui sert ici de source d’énergie à cette petite merveille.
- Autrement dit ?
- Autrement dit, Boum.
- Ah !
L’explosion fut égale au temps que Jerrik avait passé sur son jouet : énorme. Pas assez pour rayer l’Auberge de la carte de la ville, mais assez pour alarmer tout le voisinage -ainsi que tous les gardes du périmètre-, qui commençait pourtant à être rodé à ce genre d’évènement.
- J’ai commis une petite erreur, admit le gnome en remontant dans la salle commune du Grand Dracosire, ses amis sur les talons.
- Petite ? On a failli y rester, oui ! gronda le nain. Encore heureux qu’Alhana ait obligé Orlando à mettre des runes de protection partout dans la cave, sinon on était cuit !
- Euh…là, on est cuit, gémit Lillie en indiquant la rousse incendiaire qui se précipitait sur eux comme la misère sur le pauvre monde.
- Je peux savoir ce que vous avez fabriqué encore ?! Avez-vous la moindre idée du temps qu’il va falloir pour remettre la salle en état et convaincre les autorités qu’ils n’ont pas besoin de tous vous enfermer comme les dangers publiques que vous êtes, hein ?! D’ailleurs, je me demande vraiment si je ne vais pas les laisser vous embarquer, ça vous apprendra à faire les andouilles !!!
Un rapide coup d’œil indiqua au trio qu’ils avaient intérêt à garder le profil bas pendant la réprimande : la salle était totalement dévastée, avec des chaises et des tables en miettes, le comptoir totalement défoncé, Brance qui évaluait à la pièce de cuivre près les dégâts en poussant de grands soupirs tragiques et Tyrian qui tentait de sauver autant de bouteilles d’alcools que possible.
- Alors, qu’est-ce qu’y s’est passé ? demanda finalement Jana, après dix bonnes minutes de cris, hurlements et menaces de mort en tout genre.
- C’est ma faute, expliqua Jerrik d’une petite voix. Vois-tu, j’ai fais quelques cafouillages au moment de mettre mon prototype de cafetière en marche et…Boum.
-Ca, pour un Boum, c’était un beau Boum, s’exclama une voix féminine à l’entrée l’Auberge. J’ai même faillie croire que le festival avait démarrer avant l’heure !
Une jeune humaine à la chevelure brune et aux yeux marron en amande pétillants d’amusement regardait avec un grand sourire le mobilier en pièces, tranquillement adossée à la chambranle de la porte d’entrée.
- Comme quoi il est vrai que les malheurs ne viennent jamais seuls, soupira Jana d’un ton qui se voulait fataliste avant d’aller embrasser chaleureusement la nouvelle venue. Quelle surprise, Kelian ! Je te croyais repartie pour Kara-Tur avec ton père pour trois ans ! Qu’est-ce que tu fais ici ? Je suis très heureuse de te revoir, mais…
- Tu demanderas au paternel, la coupa la dénommée Kelian en désignant d’un mouvement de tête l’homme rondelet qui arrivait en faisant de grand signe de la main. C’est lui qui a insisté pour qu’on revienne dans ce trou perdu. A la demande d’Alhana, je crois.
- Je vois…
En réalité, Jana ne voyait rien du tout, mais Kelian avait brusquement mit un terme à leur conversation en se précipitant à la rencontre de Galdim, Jerrik et Lillie. Le trio poussa un cri d’effroi en la voyant arriver et se hâta de se disperser afin de, comme ils disaient « assurer qu’au moins l’un de nous de tombe pas entre les mains de cette cinglée ».
- Ah non, pas la folle ! s’exclama Tyrian en prenant à son tour la poudre d’escampette avant d’être pris à son tour comme cible.
Seul Brance ne bougea pas, son honneur de paladin lui interdisant formellement de fuir quelque soit le danger, aussi terrible soit-il.
- Brance ! s’exclama Kelian en se jetant à son cou avant de lui plaquer deux grosses bise sur chaque joue. Tu m’as manqué, tu sais ! Vous m’avez TOUS manqué, en fait ! Enfin, certains plus que d’autre ! Héhéhéhé !
- Si tu parles de ton jouet, intervint « courageusement »Tyrian de derrière le comptoir où il avait trouvé refuge, saches qu’il n’est pas ici. Alhana l’a envoyé pour quelques temps au Temple de la Promenade.
Le cri de colère que poussa la jeune fille aurait fait faire tourner casaque à un bataillon de fous de guerre nains en état beserk. Elle lâcha Brance, sortit ses deux kukris et bondit derrière le comptoir, histoire de faire ravaler au demi-elfe la terrible nouvelle.
- Retour à la normale, gloussa quelqu’un derrière Jana. Enfin, presque.
- Ca tu l’as dit, Vanzan. C’est seulement quand ta fille revient qu’on se rend compte combien on était tranquille sans elle, et combien on s’éclate –dans tous les sens du terme- quand elle est là.
Vanzan eut un bon sourire et embrassa chaleureusement la barde, ses yeux si semblables à ceux de son enfant brillant de la joie d’être enfin revenu chez lui.
- Pourquoi êtes-vous déjà de retour, Vanzan ? demanda Brance après lui avoir serrer la main. Alhana ne vous avez pas demandé de passer quelques temps en Orient, histoire d’y surveiller les agissements des mignons de Tiamat ?
- Elle l’a fait, c’est vrai. Et nous l’avons fait aussi. Mais Kelian commençait à s’ennuyer ferme, moi aussi d’ailleurs, puis nous avons reçu ceci, leur expliqua-t-il en tendant une lettre sur laquelle était écrite :
« Vanzan, les cinglés barbus débarquent. Je vais avoir besoin de toutes les forces disponibles pour les empêcher de raser Silverymoon, alors prière de rappliquer le plus rapidement possible. Amène aussi ta fille ; rien de mieux pour mater une bande de surexcités qu’une autre surexcitée. Pour plus de sécurité, j’ai préféré envoyer son punching-ball préféré prendre des vacances à la Promenade.
Embrasse Kelian pour moi.
Alhana »
- Et bien et bien, soupira Brance en rendant la lettre à son ami. Cette histoire de gnomes met notre elfe de platine dans tous ses états. Pourtant, ils ne sont pas pires que des dragons.
- Tout est une question de point de vue, lança Vanzan avec un regard en coin à Jerrik. Ils peuvent faire autant de dégâts que nous, mais pas de la même manière, et parfois sans même le vouloir.
- Que Tymora veille sur nous, dans ce cas ! gémit Jana. Déjà que Jerrik est capable à lui tout seul de faire exploser les trois quarts de la ville à la suite d’une invention ratée, je n’ose imaginer quels dégâts feront plusieurs dizaines de ses congénères !
_________________ "Appelles-moi encore une fois 'ma princesse' et tu vas devoir ramasser tes dents avec tes doigts cassés !" - Merela Steiner à un camelot krytien un peu trop entreprenant
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